Une brève histoire de la Navigation Astronomique

 

1 - De l'Antiquité jusqu'au 18èmesiècle : le "sens" marin

De tous temps, jusqu'à l'époque moderne et l'avènement du GPS, les hommes se sont intéressés à l'étude de la position des astres essentiellement pour répondre à 2 préoccupations principales :
- l'astrologie, qui avait pour fonction d'associer les astres aux évènements de la vie des hommes,
- la navigation maritime.

Suite à leurs observations, les astrologues, puis les astronomes et les marins se sont très vite aperçu que les astres avaient des mouvements et des positions répétés, réguliers et donc prévisibles. Toutes les civilisations (européennes, mais aussi arabes, chinoises, polynésiennes...) ont donc compris qu'ils pouvaient servir de points de repère, à l'égal d'un amer terrestre, et ont développé des méthodes de positionnement et de navigation utilisant les astres.

Néanmoins, faute d'outils précis, cette navigation faisait plus souvent appel à l'expérience et aux connaissances empiriques des marins qu'à la stricte science. N'oublions pourtant pas que c'est avec ces méthodes "archaïques", et peut-être même parfois malgré elles, que tous les grands voyages de découverte du monde ont été faits. Chapeau bas.

 

2 - Le 18ème siècle : la découverte des outils "modernes", le sextant et le chronomètre

Au 18ème siècle, on invente les 2 instruments qui vont permettre l'avènement de la navigation astronomique précise telle que nous la connaissons. Ce sont le sextant et le chronomètre.

Le sextant : d'abord octant, inventé par John Hadley vers 1730, il permet de mesurer les angles avec une très grande précision (1' d'angle). De plus, il est indépendant des mouvements du navire puisqu'il utilise l'horizon naturel comme référence. Il remplace donc avantageusement les alidades de marine qui nécessitaient une parfaite immobilité pour obtenir la verticale, ainsi que tous les autres instruments comme l'arbalète (ou baton de Jacob) et autres quadrants, beaucoup moins précis.

Le chronomètre : mis au point par John Harrison vers 1760, il va permettre de résoudre le fameux problème de la longitude, jusqu'ici réputé insoluble.

Malheureusement pendant encore plusieurs décennies les savants, les astronomes et les marins, bien qu'ayant désormais à leur disposition tous les outils nécessaires, vont buter sur une approche erronée du problème : calculer la position d'un navire, en latitude et longitude à partir d'une observation. Avec les moyens de l'époque cela n'était pas réalisable et ce n'est qu'au 19ème siècle que, suite à un revirement de la théorie, on va abandonner la recherche du calcul du point pour passer à celui du calcul du lieu géométrique de la position.

 

3 – Le 19ème siècle : l'évolution de la théorie et l'avènement du principe du lieu géométrique, la Droite de hauteur

On peut dire, en simplifiant, que la Droite de Hauteur a eu 2 inventeurs :

- Le Capitaine américain Sumner, qui l'a "découverte"
- L'amiral français Marcq Saint-Hilaire qui a inventé une méthode de calcul simple et précise permettant de la tracer sur la carte.

A - La découverte du Capitaine Sumner : The Sumner Line

Thomas Hubbard Sumner était un capitaine de la Marine de commerce américain, né en 1807. En 1837, il est le Capitaine du Cabot, un voilier de 35m et de 330 tonnes qui effectue un voyage entre Charleston (Caroline du Sud, USA) et Greenock, près de Glasgow (Ecosse). Nous sommes à la fin de l'automne, en novembre et décembre, et le temps est si mauvais qu'aucune visée au sextant n'a pu être faite depuis plusieurs jours. Le capitaine Sumner est très expérimenté et il sait tenir une estime. Néanmoins, à l'entrée du Canal St.-Georges, entre l'Angleterre et l'Irlande, il aurait bien besoin de se recaler en position. Justement, entre deux nuages, il parvient à faire une visée de hauteur du soleil. Il va lui falloir exploiter au maximum cette maigre information pour déterminer sa position le plus précisément possible.

A cette époque et dans ces conditions, la méthode de calcul était la suivante : on choisissait une latitude estimée la plus exacte possible, puis on calculait à quel endroit de cette latitude la hauteur observée du soleil nous situait. On avait ainsi un point en latitude et longitude plus ou moins précis, mais on s'en contentait, faute de mieux. C'est ce que fait Sumner : Il choisit une latitude de 52°N et calcule la longitude correspondante. Il obtient ainsi une position :
Mais n'étant pas sûr de sa latitude, il décide de refaire son calcul en choisissant une latitude 10' plus au nord que la précédente. Il obtient ainsi une seconde position :
Il aurait pu s'arrêter là et juger que sa position réelle était quelque part dans le voisinage de ces 2 points mais, décidément très prudent ,ou curieux, ou amoureux des maths, et très probablement les 3 à la fois, il choisit une troisième latitude et refait son calcul pour la troisième fois. Et il obtient une troisième position :
Il lui apparaît alors que ces 3 points sont alignés. Il trace cette droite et, par un heureux hasard, celle-ci passe précisément par un phare qu'il connaît bien : le phare des Smalls. Il ordonne alors à son timonier de suivre exactement le cap désigné par cette droite, et moins d'une heure plus tard le phare des Smalls apparaît droit devant l'étrave du Cabot. Le Capitaine Sumner a ainsi la preuve que son navire n'était pas "quelque part autour de ces positions calculées", mais exactement sur la droite qu'il venait de tracer.

Il en déduit que depuis n'importe quel point de cette droite le soleil lui serait apparu à la même hauteur, c'est pourquoi nous l'appelons "droite de hauteur" alors que les américains l'appellent "Sumner Line" ou "Line of Position".

Le phare des Smalls

Il tire alors toutes les conclusions de sa découverte en publiant en 1843 un petit fascicule "A new method of finding a ship's position at sea" dans lequel il explique qu'il suffit d'appliquer 2 fois le calcul enseigné dans les écoles navales, avec 2 latitudes différentes mais voisines pour pouvoir tracer une droite sur laquelle se trouve le navire. Quelques heures plus tard, on refait ce double calcul et on obtient une deuxième droite. Il suffit alors de transporter la première droite selon la route parcourue entretemps pour obtenir sa position, à l'intersection des 2 droites.

 

B - L'invention de Marcq Saint-Hilaire : le vertical estimé

Adolphe Laurent Anatole Marcq de Blond de Saint-Hilaire est né en 1832. Il fait une carrière remarquable dans la marine française : major de l'Ecole Navale à 15 ans, Enseigne de Vaisseau à 22 ans, Capitaine à 45 ans, Contre-Amiral à 51 ans...

En 1873 il fait paraître dans la Revue Maritime et Coloniale un premier mémoire qu'il intitule "Note sur la détermination du point" où il reprend la méthode de Sumner, mais sans le nommer. Deux ans plus tard, il publie dans la même revue un second mémoire intitulé "Calcul du point observé - Méthode des hauteurs estimées" où il simplifie considérablement les calculs et qui est considéré comme l'acte de naissance de la méthode du calcul de la droite de hauteur par la position estimée telle qu'elle est universellement pratiquée depuis cette date et telle que nous l'enseignons dans ce site.

Force est de constater cependant que, décrite initialement en 1875, la méthode ne commencera véritablement à être appliquée pratiquement sur les passerelles qu'à la toute fin du 19ème siècle, voire au début du 20ème, et que les méthodes électroniques (Gonio, Loran, Decca, Consol et finalement GPS) commençant à arriver pendant ou juste après la seconde guerre mondiale pour finir par s'imposer dans les années 90, on peut dire que la durée de vie réellement efficace et nécessaire de la méthode fut tout juste d'un siècle....

 

Si vous êtes intéressés par l'aspect historique de la navigation astronomique, vous trouverez ici une liste d'ouvrages sur ce sujet.

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